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Nous n’en savons pas assez sur la manière dont les adultes autistes apprennent le langage

Par CJ James

Le gouvernement du Québec à récemment voté une nouvelle loi qui protège la langue française, mais qui malheureusement augmente la difficulté des adultes autistes qui ne parlent pas français à s’intégrer. Plusieurs personnes autistes apprennent le français (et d’autres langues) durant la petite enfance sans problèmes. Cependant, l'acquisition d’une nouvelle langue en tant qu’adulte, ou grand enfant, autiste est un défi unique. Ce défi ne devrait pas être une surprise alors que l'autisme se manifeste souvent comme une différence en communication qui affecte l’utilisation et la compréhension du langage.

Alors que cet article se concentre sur les défis au Québec, son contenu peut aussi être intéressant pour les pédagogues de langues secondes, ainsi que les enseignants et enseignants spécialisés qui sont en contact avec des enfants autistes immigrants.



Le problème

Il n’y a pas beaucoup de littérature scientifique sur l’apprentissage de langues seconde, ou tierce, chez les adultes autistes. L’acquisition de la langue est seulement étudiée chez les enfants autistes, et même là seulement quand il y a un délai. Je souhaite discuter de l’apprentissage du langage chez les adultes et enfants autistes plus vieux. Malheureusement, il n’y a pas beaucoup de connaissances à ce niveau pour inspirer ce texte. Je vais donc vous parler d'anecdotes de ma propre expérience.

Il va sans dire que je suis simplement une personne, et alors que j’espère que ma représentation des différences d’apprentissage d’une langue chez les autistes est généralisable, je n’en ai pas la garantie. Chaque personne autiste est différente.

Différence de motivation

La sagesse populaire de l’apprentissage des langues est que tu apprends ce qui est pertinent pour toi. Ainsi, la majorité des gens apprennent des langues additionnelles par désir de communiquer avec les gens autour d’eux. Mon premier obstacle que j’ai à l’apprentissage d’une nouvelle langue, c’est que ma motivation à communiquer est … différente. Quand j’étais une jeune enfant, j’étais très extravertie. En grandissant, j’ai appris que j’étais différente et que mes particularités n’étaient pas acceptées. Depuis, je suis souvent en retrait face à un public. Cela veut dire que je suis plus probable d’apprendre à partager de l’information générale aux gens, comme l’heure, que d’apprendre à donner des compliments.



Certains des sujets qui sont enseignés à des débutants en classe ne sont pas intéressants pour moi. En ce moment, je suis dans une classe de niveau 3 au Québec (il y a 12 niveaux officiels de français, dont les 8 premiers sont appris dans des classes publiques pour adultes). Durant le troisième niveau, nous travaillions à la construction de phrases basiques en utilisant des sujets tels que les compliments, la météo ou des activités de loisir tels les sports. Pour mes pairs, ce sont des sujets utiles. Malheureusement pour moi, je ne suis pas intéressée par le papotage. Mes pairs peuvent pratiquer ces phrases et ces sujets hors de la classe, alors que que mon manque d’intérêt pour ceux-ci me mène à avoir du retard par rapport à eux.

Différentes réponses à l’immersion

Quand j’ai déménagé au Québec, je m’attendais à ce que l’immersion me permette d’apprendre plus rapidement. Il est possible que j’aie absolument mal compris le rôle que l’immersion jouerait dans mes apprentissages. Quand je me suis retrouvée à Trois-Rivières (pour ceux hors du Québec, c’est une ville historique magnifique et francophone) pour six mois, mon français a stagné. De plus, si l’immersion seule me permettait d’apprendre une langue, je serais bilingue en anglais et en espagnol en arrivant au Québec en 2020. J’ai vécu au Texas pendant 32 ans sans apprendre l’espagnol. Ma mère m’a informée que je parlais espagnol avec ma gardienne quand j’étais un bébé. Depuis, nada. (À part quelques mots que les anglophones utilisent couramment au Texas.

Peut-être que l'immersion marche mieux pour d’autres? Est-ce parce que les personnes neurotypiques sont motivées à se connecter avec les autres et papoter alors que les personnes autistes ont des intérêts limités?

Le début des défis

J’ai seulement vraiment commencé à progresser en français quand j’ai commencé les cours offerts par le gouvernement. (Quel choc de culture à apprendre que des cours conçus et financés par le gouvernement seraient efficaces! Je développerai sur ce sujet plus tard.) Au début, j’ai commencé par 12 heures par semaine. Presque toutes les semaines, j’ai eu des moments de surprise où une chose incompréhensible devenait claire. C’était addictif, alors je suis passée aux cours de vingt à trente heures par semaine. J’ai finalement perdu un niveau dans le transfert, car ma nouvelle école m’a placé dans une classe appropriée basée sur une entrevue plutôt que sur mes cours précédents.

La perte et la répétition d’un niveau m’a amené à faire beaucoup de spéculation. Dans ma deuxième classe de 12 heures, qui étaient de niveau 3, j’ai réalisé que ce que je comprenais le moins c’était la compréhension orale. Quand j’ai passé mes tests finaux pour le niveau trois, j’ai coulé mon exercice de compréhension orale, mais j’ai eu la deuxième plus haute note de la classe en compréhension écrite. (La personne avec la meilleure note a passé sa jeunesse dans des classes d’immersion française.) Évidemment, ce n'était pas mon vocabulaire la cause de mon échec. J’ai aussi réalisé que mes pairs pouvaient mieux comprendre le français parlé que moi quand les employés de centre d’apprentissage nous parlaient.

S’améliorer prend de l’effort

Alors que je ne comprends toujours pas comment cela s’est passé, je sais que la solution est de pratiquer l’écoute. Un ami m’a donné une antenne de télévision digitale pour la cause, et j’ai commencé à écouter la chaîne de télévision gratuite à Montréal 10 heures par jour. Il n’y a plus beaucoup de chaînes gratuites à la télévision de nos jours, mais je prends ce que je peux avoir. Je ne comprends toujours pas la communication plus complexe, comme les scénarios dans The Bold and the Beautiful (et peut-être que cela ne m’intéresse pas plus), mais j’ai rattrapé mes pairs dans mes classes de vingt heures semaines. J’ai parlé à mes collègues de classe pour leur demander s'ils faisaient des choses similaires, et il semble que ce n’est pas le cas. Ils sont capables de continuer à apprendre de manière plus nonchalante.



Mon français parlé est significativement plus décousu que le reste de ma classe, et je n’ai pas encore trouvé de solution pour cela. Pourtant, je continue à être plus forte que mes pairs dans les tests et exercices écrits. J’ai été la plus forte de ma classe dans un test de conjugaison. J’imagine que des forces et faiblesses si marquées font partie de la neurologie autistique.

Accommodations

Si je pouvais réécrire le cours pour que ce soit plus inclusif pour la neurodiversité, je prendrais une approche Montessori. Cela permettrait à tout le monde d’apprendre des choses selon leurs intérêts plutôt que d’avoir un curriculum strict. Personnellement, une fois que je suis capable de tenir une conversation et que j’apprends les choses qui m’intéressent, j’imagine que je serais aussi intéressée à apprendre les compliments et la météo. L’avantage de cet ordre, c’est que je pourrais apprendre ces sujets non intéressants plus rapidement que si je commençais avec ceux-ci.

J’ai aussi demandé à mon enseignante d’inclure plus de travail écrit quand on apprenait les éléments idiomatiques, comme les articles et les partitifs, mais c’était un ajustement facile pour la classe. Les personnes autistes tendent à apprendre de manière visuelle comme moi, alors cet ajustement pourrait aider d’autres personnes autistes. Mais comme je l'ai dis plus tôt, il y a beaucoup de variation dans la population autiste. Cet accommodement pourrait tout aussi bien être prohibitif pour certains. Une approche Montessori permettrait la flexibilité nécessaire pour s’adapter aux différences.

Avant le Québec

Je parle des problèmes que j’ai rencontré dans mes cours de français, mais il y a aussi de grands problèmes que ces cours ont évités.

Ce n’est pas la première fois que j’essaye d’apprendre le français. Alors que j’étais encore une enfant, ma famille m’a placée dans une école de préparation au collège en cinquième année, ce qui était plus ou moins 4 ans trop tôt pour le curriculum texan. La manière dont le français m’y était appris était, malheureusement, très inefficace. C’était plusieurs longues semaines de mémorisation répétitive. On ne nous y apprenait pas, par exemple, les conjugaisons. À l’inverse, mes cours au Québec sont dans un français lent, simple et répétitif. Ainsi, je suis exposée aux conjugaisons de verbe et je les acquiert de manière naturelle.

Additionnellement, dans mes premières classes, mes pairs réussissaient à comprendre les tests de compréhension orale. L’enseignante n’a jamais compris pourquoi ces tests me faisaient pleurer. À ce jour, je ne comprends toujours pas comment les autres pouvaient le faire, c’était simplement trop difficile.

J’ai peiné durant mes cours de français avant de couler mon français 3 par 1 point, à 69%. Tu as seulement besoin de deux crédits de langue au Texas pour remplir les conditions de graduation, alors j’ai changé d’école et je n’ai pas eu à reprendre la classe.

À cause de cette expérience décourageante, je pensais que c’était fondamentalement impossible pour moi d’apprendre une nouvelle langue. Cela m’a pris beaucoup d’encouragements pour que je commence à même considérer que c’était possible pour moi d’essayer. Une amie m’a expliquée qu’évidemment ma neurodiversité avait un impact sur ma capacité d’apprentissage, mais que la structure des cours que j’ai reçu durant ma jeunesse n'était pas naturelle non plus. Les enfants à bas-âge n’apprennent pas une nouvelle langue par cœur, mais naturellement à travers l’exposition.



Nos besoin

Au Québec, les cours de français te font apprendre les verbes communs par répétition plutôt que l’étude. Car ces cours sont créés avec la neuroscience de l’apprentissage du langage, ils sont naturellement plus accessibles aux individus neuro-divergents. J’espère que les autres cours de langue vont suivre ceci et que les cours au Québec ne changeront pas.

Il faut que l’on continue à avoir accès à des cours qui répondent à nos besoins. Cette pression sur les personnes autistes à besoins de témoins, de personnes qui peuvent nous aider à apporter de l’attention à nos besoins et nos réalités. Le gouvernement du Québec a déjà promis une expansion des cours de francisation. J’implore que le gouvernement offre soit des classes de francisation de plus en plus adaptées à des personnes neuro-typiques, soit des classes spécialisées pour les personnes neuro-typiques qui souhaitent ou qui doivent apprendre le français. Il est important que l’on soit vocal sur toutes les plateformes pour exprimer ce besoin.

Si tu es autiste, tu peux aider en ajoutant au contenu existant sur l’apprentissage de nouvelles langues par les personnes autistes. Une idée est d’identifier une tâche que tu aimerais faire dans une autre langue, l’apprendre, et ensuite partager comment tu as réussi à apprendre de nouvelles langues. Quels obstacles as-tu eu? Qu’est-ce qui a marché? On a besoin de le découvrir.

Ceci dit, je suis reconnaissante que les classes de français offertes par le gouvernement soient bien conçues. Cela les rends plus accessibles pour tous. D’un autre côté, les choses sont très différentes pour les personnes autistes. Nous avons besoin de plus de recherche et d’assistance à ce sujet. Il y a beaucoup de pression sur les immigrants, et surtout les enfants plus âgés des immigrants, d’apprendre la langue de leur pays d’adoption.

Finalement, j'espère que je n’ai pas trop parlé de moi-même dans cette discussion sur l’apprentissage du langage et l’autisme. Il y a beaucoup de sujets importants qui sont négligés par mes expériences personnelles, mais j’espère que cet article sera le point de départ pour une discussion plus importante.

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